Kritik - Jakob Lenz - Bordeaux
Oper von Wolfgang Rihm mit Johannes M. Kösters in der Titelrolle

Produktion November 2006, Opera National de Bordeaux

... c'est le Jakob Lenz hallucine de Johannes M. Kösters qui porte l'oeuvre: il est simplement saisissant ...

Sud Ouest, 15 novembre 2006

Jakob Lenz (baryton dramatique) : Johannes M. Kösters

Johannes Kösters se révèle un acteur convaincu, indispensable pour transmettre les étrangetés de cette musique, les tremblements, le parlando, les répétitions folles. Surtout, on découvre au cours de la pièce un excellent diseur, précis, engagé, compréhensible de bout en bout - qualité rarissime, surtout dans ce répertoire ! -, un formidable interprète des mélodrames assez fréquents, et à même de maîtriser le non vibrato sans détimbrer. On comprend qu'il se soit économisé en échauffement pour tenir la distance, et il s'agissait aussi de la première, je crois à un peu de fébrilité bénigne. Malgré ces premières minutes un peu difficiles et un timbre assez laid, Johannes Kösters porte en grande partie l'oeuvre, présent sans interruption sur scène, et avec une grande justesse de ton. Vraiment, entendre l'allemand porté avec autant de précision et d'entrain est un plaisir en soi.

Ce billet, écrit à 23:17 par DavidLeMarrec

operacritiques.online.fr, 1 décembre 2006

Les Lettres françaises - Dusapin / Faust, Rihm / Lenz, Paris / Bordeaux

Une rumeur grise enveloppe Faustus, the Last Night de Pascal Dusapin (1955), créé à Berlin début 2006, puis à Lyon et, enfin, à Paris alors que Lenz de Wolfgang Rihm (1952) est une oeuvre de jeunesse, 1977. Faustus est une merveille musicale, très mûrie par un Dusapin doté d’un fort sens orchestral et tragique, volontiers « à la germanique » (Lorrain, initialement organiste) et l’excellent Orchestre de l’Opéra de Lyon (Jonathan Stockhammer). Le traitement des voix, sans retour au passé, est incarné par des chanteurs de grand talent et une mise en scène inventive de Peter Mussbach (sa Traviata d’Aix-en-Provence fit jaser, pas nous !). Le baryton Georg Nigl tient le rôle titre, Mephisto est Urban Malmberg, Sly le ténor bien connu, Robert Wörle et le bel ange, Caroline Stein !

Demeure néanmoins le crucial problème du livret, dû à l’auteur d’après Christopher Marlowe. Dans Medeamaterial, le compositeur s’inspire d’Heiner Müller, auparavant il crée avec Olivier Cadiot et puis d’après Gertrude Stein, amateurs de travail sur les mots mais dans un esprit commun et contemporain. Avec Perela, il semble passer à côté du roman futuriste d’Aldo Palazzeschi. Et le voici rédigeant une métaphysique peu claire, redondante comme l’éternel débat Mephisto-Faustus. Ce maître de l’orchestre, mais aussi du piano, du quatuor, de la musique sacrée n’est pas autant à l’aise avec la philosophie, même si l’on a compris que ses fragments classiques et postmodernes correspondent à la demande du compositeur.

Lenz de Wolfgang Rihm, d’après la nouvelle de Georg Büchner, théâtralisé par Michaël Fröhling, désigne le poète « maudit », mort « fou » : moyen âge abandonné pour le Sturm und Drang, les Lumières. Mais il y a des questions identiques à celles de Faustus dans ce très beau spectacle signé Michel Deutsch (costumes, lumières). L’unique réserve viendrait du néo-brechtisme. Cependant chez W. Rihm la « psychologie » l’emporte sur le social : la foi y est contestée : « Lève-toi et marche ! » ordonne Lenz à une petite fille, tenue pour morte et confondue avec Friedericke, la véritable bien-aimée reprise au rival, Wolfgang Goethe. Dieu ne répond pas, Lenz annonce Friedrich Nietzsche.

Johannes M. Kösters, baryton, chante avec une terrible tension le rôle du poète, somme toute frère de Friedrich Hölderlin, aux côtés de Gregory Reinhart, le bon pasteur, et Ian Caley, le médecin Kaufmann, prêt à se débarrasser de Lenz. Les choeurs, jeunes notamment, sont éloquents tandis qu’Olivier Dejours, un habitué de cette esthétique, rend les subtilités et la force de l’oeuvre à la tête des onze musiciens de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine. Depuis la création de Lenz, l’oeuvre de W. Rihm a considérablement grandi, on se dit que, avec P. Dusapin, lui aussi productif, et quelques autres, on tient des champions de la musique nouvelle.

Faustus, the Last Night, de Pascal Dusapin, Châtelet, 15 novembre 2006.

Jakob Lenz de Wolfgang Rihm, Opéra national de Bordeaux, 17 novembre 2006.

Claude Glayman

Journal l'Humanité, aru dans l'édition du 2 décembre 2006